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새로운 세계종교의 발흥주제 있는 글/<Portada> 2024. 5. 5. 13:30
Le libéralisme, une forme de théologie où le marché est érigé en dieu tout puissant
"자유주의, 시장을 전지전능한 신으로 승격시키는 신학의 한 형태" [일부 발췌]
Par Stéphane Foucart
ENQUÊTE Des chercheurs considèrent le libéralisme comme une forme de pensée théologique. Le marché y fait figure de dieu digne de foi et tout puissant, avec ses prophètes et ses commandements.
[담론] 연구자들은 자유주의를 신학적 사고의 한 형태로 간주한다. 여기서 시장은 예언과 계명을 지닌 전능한 신의 모양을 하고 있다.
Vers la fin des années 1990, un des amis du théologien Harvey Cox lui conseilla de lire la presse économique. C’était, lui avait-il assuré, le meilleur moyen de comprendre la marche du monde. Professeur à l’université Harvard (Etats-Unis), Harvey Cox ne s’intéressait pas du tout à ces histoires, et c’est avec une légère appréhension – celle de ne rien comprendre – qu’il s’exécuta. Il se mit à compulser quotidiennement le Wall Street Journal et, chaque semaine, les pages économie et entreprises de Time ou de Newsweek. « Je m’attendais à une terra incognita et je me suis au contraire retrouvé au pays du déjà-vu, a-t-il raconté quelques mois plus tard dans un article publié par The Atlantic. Ces pages ressemblaient étrangement à la Genèse, à l’Epître aux Romains, ou à La Cité de Dieu, de saint Augustin. »
Derrière le jargon et les mots de l’économie, on trouvait « les éléments d’un grand récit sur le sens profond de l’histoire humaine, les raisons pour lesquelles les choses ont mal tourné, et les manières de rectifier la situation : une mythologie des origines, des récits de déchéance, une doctrine du péché et de la rédemption », raconte-t-il.
Relever les taux d’intérêt pour éviter l’inflation, ne pas céder aux sirènes tentatrices de l’étatisme ni aux vertiges de la planche à billets, ouvrir au marché de nouveaux secteurs d’activité, pratiquer l’ascèse sous forme d’austérité et de renoncement à la protection sociale… la félicité, ensuite, reviendra. Avec, au pinacle de cette « nouvelle théologie », la figure du marché, dont Harvey Cox dit qu’il faudrait l’écrire avec une capitale initiale, « pour signifier à la fois le mystère qui l’entoure et la révérence qu’il inspire dans les milieux d’affaires ». Le Marché, donc, incarné dans une diversité de marchés, de nature, de taille et d’importance diverses.
1990년대 말, 하버드 대학의 신학자인 하비 콕스는 친구의 조언대로 경제지를 읽다가 성 어거스틴이 쓴 창세기나 로마서를 읽는 듯한 기시감을 느꼈다. 즉, 경제용어의 이면에서 인류 역사의 심오한 의미(기원에 관한 신화), 일이 잘못되는 이유(쇠퇴에 관한 일화), 상황을 바로잡는 방식(속죄의 교리)을 발견한 것이다. 가령 인플레이션을 막기 위해 이자율을 인상한다든가, 국가의 과도한 화폐 발행, 새로운 시장영역의 확장 등이 그렇다.
« L’humeur des dieux »
Institution-clé du fonctionnement de nos sociétés, élément central de l’analyse économique, le marché n’est plus seulement, selon le théologien américain, le lieu de la rencontre entre l’offre et la demande, le mécanisme qui forme les prix et distribue la richesse produite dans la société. Il devient une entité transcendante que l’on redoute, dont on étudie les lois et dont on cherche à comprendre et anticiper les humeurs.
« Autrefois, les prophètes entraient en transe et informaient la populace inquiète de l’humeur des dieux, de l’opportunité d’entreprendre un voyage, de se marier ou de faire la guerre, écrit Harvey Cox. Aujourd’hui, les désirs versatiles du marché sont élucidés par les bulletins quotidiens de Wall Street et des autres organes sensoriels de la finance. Ainsi, nous pouvons savoir au jour le jour si le marché est “inquiet”, “soulagé”, “nerveux” ou parfois “exubérant”. »
A la fin des années 1990, la mondialisation de l’économie est déjà une réalité, qui se donne notamment à voir à travers ses crises. En juillet 1997, le gouvernement thaïlandais tente de contrer des attaques spéculatives en dévaluant sa monnaie, et enclenche une crise économique qui se propage à tout le Sud-Est asiatique. Le Fonds monétaire international débloque plusieurs dizaines de milliards de dollars en échange de mesures de libéralisation des économies. Les pages économiques des journaux s’emplissent de débats ésotériques sur les déterminants de la croissance, les politiques monétaires et les vertus autorégulatrices du marché. Harvey Cox n’est alors pas le seul théologien à percevoir dans ce dernier le principe central d’une croyance qui irrigue les milieux d’affaires et les élites politiques occidentales. Un de ses pairs, David Loy, alors professeur à l’université Bunkyo de Chigasaki (Japon), publie en 1997 un essai dans le Journal of the American Academy of Religion, l’une des principales revues de la discipline, sobrement intitulé : « La religion du Marché ».
« Le concept de religion est notoirement difficile à définir, mais si nous adoptons une vision fonctionnaliste et que nous entendons la religion comme ce qui nous fonde à comprendre ce qu’est le monde et ce qu’est notre rôle dans le monde, alors il devient évident que les religions traditionnelles remplissent de moins en moins cette fonction, parce qu’elles sont supplantées par d’autres systèmes de croyances et de valeurs, écrit-il. (…) Notre système économique devrait aussi être compris comme remplissant une fonction religieuse. La science économique, comme discipline, est moins une science que la théologie de cette religion. Son dieu, le Marché, est devenu un cercle vicieux de production et de consommation toujours croissantes, prétendant offrir un salut séculier. »
Des théologiens qui flirtent avec l’anthropologie pour critiquer le marché et l’économie néoclassique, voilà qui était inattendu. Ces idées n’en ont pas moins été abondamment discutées, une décennie durant, dans cette communauté savante. En 2007, Richard Foltz, professeur au département d’études religieuses de l’université Concordia, à Montréal, a résumé une décennie de réflexions et de débats sur la « religion du marché » dans la revue Worldviews, jugeant qu’approcher l’économie et le consumérisme par le prisme théologique était « à la fois valide et potentiellement utile ».
신들의 기분 | 하비 콕스에 따르면 시장은 단순히 수요와 공급을 통해 가격을 책정하며 부를 분배하는 곳이 아니다. 시장은 우리가 경외하는 초월적 존재가 되었으며, 우리는 시장의 법칙과 시장의 분위기를 파악하려 애쓴다. 종교를 '이 세상에서 우리의 역할을 이해하는 기초'로 본다면, 전통적 종교는 또 다른 신념 및 가치체계에 의해 대체되면서 그 기능이 축소되어 왔다. 우리의 경제시스템은 종교적 기능을 수행하는 것으로도 이해되어야 하며, 이곳의 신(神)인 '시장'은 표면적으로는 세속적 안녕을 제공하면서 생산과 소비의 증가를 부추기고 있다.
Offensive papale
Le pape François a-t-il lu ce texte ? Ces idées ont en tout cas suffisamment infusé dans le microcosme théologique pour qu’en 2013, dans sa première exhortation apostolique (Evangelii Gaudium), le pontifex maximus fustige sans détour le « marché divinisé » dont les intérêts sont « transformés en règles absolues ». « Nous ne pouvons plus avoir confiance dans les forces aveugles et dans la main invisible du marché », ajoute-t-il.
Le renversement historique est cocasse. Car la naissance de l’idée moderne du marché, en Europe, au XVIIIe siècle, est précisément le « fruit du refus d’un ordre social fondé sur la loi divine », comme l’écrit l’historien Pierre Rosanvallon dans un livre publié en 1979, Le Capitalisme utopique. Histoire de l’idée de marché. Il s’agit de « penser l’institution autonome de la société sans recourir à un quelconque garant extérieur, notamment d’ordre religieux », et de penser le marché comme un opérateur capable d’articuler les passions humaines – sans les réprimer au nom de la morale des prêtres –, pour faire fonctionner la société. Trois siècles plus tard, l’Eglise prend sa revanche et accuse, à son tour, le marché d’avoir échoué à faire fonctionner harmonieusement la société, jusqu’à remettre en cause l’habitabilité de la planète.
Que ce soit dans son exhortation apostolique ou, en 2015, dans son encyclique sur « la sauvegarde de la maison commune » (Laudato si), le pape François ne retient pas ses coups, appelant à « éviter une conception magique du marché », moquant une « confiance grossière et naïve » dans les « mécanismes sacralisés du système économique dominant ». Les mots le disent : c’est autant aux dégâts de l’économie sur l’environnement et à l’incapacité des mécanismes de marché à réparer ou à empêcher ces dégâts qu’à un système de valeurs et de croyances que s’attaque le Saint-Père. Simples figures de style ? « Je ne crois pas que le pape François soit dans la métaphore », assure Harvey Cox en ouverture du livre qu’il finira par écrire sur le sujet (The Market as God, Harvard University Press, 2016).
Aux Etats-Unis, terre sainte du « marché libre », l’offensive papale contre la croyance dans les vertus du marché n’est pas passée inaperçue. Dans leur dernier livre (Le Grand Mythe. Comment les industriels nous ont appris à détester l’Etat et à vénérer le libre marché, traduit par Elise Roy, Les Liens qui libèrent, 704 pages, 29,90 euros), les historiens des sciences Naomi Oreskes et Erik Conway remarquent que Laudato si a été reçue avec une certaine hostilité : non pour son propos sur la protection de la « maison commune », mais pour sa remise en cause d’une certaine théologie du marché. Pour avoir « exprimé ses doutes quant à la capacité des mécanismes de marché à relever les défis de notre temps », le souverain pontife « s’est attiré les foudres de toutes les familles politiques, droite, gauche et centre confondus », écrivent les deux historiens. Pour eux, c’est l’indice que le « fondamentalisme de marché », ainsi qu’ils le nomment, traverse aux Etats-Unis l’ensemble du spectre politique et forme une croyance largement partagée dans la société américaine.
교황의 비판 | 교황은 그의 첫 복음서에서 절대적 규칙으로 변질된 신성한 시장을 비난하면서, 우리는 더 이상 '보이지 않는 손'을 확신할 수 없게 되었다고 말한다. 18세기 종교법에 대항하여 인간에 의해 자율적으로 제도를 운영한다는 이념 아래 형성된 시장 개념이, 3세기가 지난 오늘날 지구의 지속가능성에 의문이 들게 할 만큼 우리 사회를 저해하고 있다고 지적되는 것은 아이러니한 일이다. 교황은 그의 회칙 <찬미받으소서>—공동의 집(지구)을 돌보는 것에 관한 회칙—에서 환경 피해를 복구하거나 예방할 수 있는 시장적 매커니즘의 무능함을 꼬집었다. 자유시장의 고장인 미국에서는 교황의 발언이 정치 스펙트럼을 넘어 적대적으로 받아들여졌는데, 달리 말해 그만큼 '시장근본주의'가 미국 사회에 널리 공유되고 있다는 의미이다.
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